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pitale, dans l’île de Cyzique, où ils avaient établi leurs magasins et déposé leur butin. Ils furent si patiens dans leur persévérance, ou si faibles dans leurs opérations, que les six étés suivans on les vit former le même plan d’attaque terminé par la même retraite ; chaque entreprise manquée diminuait leur vigueur et leurs espérances de succès jusqu’à ce qu’enfin les naufrages et les maladies, le glaive et le feu de l’ennemi, les contraignirent d’abandonner leur inutile projet. Ils eurent à regretter la perte ou à célébrer le martyre de trente mille musulmans qui perdirent la vie au siége de Constantinople ; et les pompeuses funérailles d’Abu-Ayub ou Job excitèrent la curiosité des chrétiens eux-mêmes. Ce vénérable Arabe, l’un des derniers compagnons de Mahomet, était au nombre des ansars ou auxiliaires de Médine, qui accueillirent le prophète lors de son évasion de la Mecque. Dans sa jeunesse il s’était trouvé aux combats de Beder et d’Ohud ; parvenu à la maturité de l’âge, il avait été l’ami et le camarade d’Ali, et il venait d’épuiser le reste de ses forces loin de sa patrie, dans une guerre contre les ennemis du Koran. Sa mémoire fut toujours respectée ; mais on négligea, on ignora même le lieu de sa sépulture durant près de huit siècles, jusqu’à la prise de Constantinople par Mahomet II. Une de ces visions, moyens ordinaires de toutes les religions du monde, apprit aux musulmans qu’Ayub était enterré au pied des murs et au fond du port ; on y éleva une mosquée qu’on a choisie avec raison pour le lieu