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haine raffinée refuse même la tête de l’assassin ; elle substitue un innocent au coupable, et rejette la peine sur l’individu le meilleur et le plus considérable de la race dont ils ont à se plaindre. S’il périt par leurs mains, ils se trouvent exposés à leur tour au danger des représailles ; l’intérêt et le principal de cette dette sanguinaire s’accumulent ; les membres des deux familles passent leurs jours à dresser des embûches et à les craindre ; et ce n’est quelquefois qu’au bout d’un demi-siècle, que peut être finalement soldé ce compte de vengeance[1]. Cet esprit sanguinaire, qui ne connaît ni la pitié ni le pardon, a été modifié cependant par les maximes de l’honneur, qui exige, dans toutes les rencontres privées, une sorte d’égalité d’âge et de force, de nombre et d’armes. [Trève annuelle.]Avant Mahomet, les Arabes célébraient une fête annuelle de deux et peut-être de quatre mois, durant laquelle, oubliant leurs hostilités étrangères et domestiques, ils laissaient religieusement reposer leurs glaives ; et cette trêve partielle est ce qui donne le mieux l’idée de leurs habitudes d’anarchie et d’hostilités[2].

  1. Niebuhr (Description, p. 26-31) rapporte la théorie et la pratique modernes des Arabes, dans la vengeance du meurtre. On peut retrouver dans le Koran (c. 2, p. 20 ; c. 17, p. 230), avec les observations de Sale, le caractère plus grossier de l’antiquité.
  2. Procope (De bell. pers., l. I, c. 16) place les deux mois de paix vers le solstice d’été ; mais les Arabes en comptent quatre, le premier mois de l’année, le septième, le onzième et le douzième ; et ils prétendent que dans une