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par les plus grossiers d’entre les Maures, sauvages sans lois, ni discipline, ni religion ; ils furent épouvantés de l’invincible force des Arabes ; et comme ils ne possédaient ni or ni argent, la partie la plus précieuse du butin que firent sur eux les musulmans consista en un certain nombre de belles esclaves, dont quelques-unes se vendirent jusqu’à mille pièces d’or. La vue de l’océan, bien qu’elle ne refroidît pas le zèle d’Akbah, le força cependant d’arrêter sa marche. Il poussa son cheval au milieu des flots de la mer, et levant ses yeux vers le ciel, il s’écria d’un ton fanatique : « Grand Dieu ! si je n’étais point arrêté par cette mer, j’irais jusqu’aux royaumes inconnus de l’occident, prêchant sur ma route l’unité de ton saint nom, et passant au fil de l’épée les nations rebelles qui adorent d’autres dieux que toi »[1]. Cependant ce nouvel Alexandre, qui soupirait après de nouveaux mondes, ne put garder les régions qu’il venait d’envahir. La défection générale des Grecs et des Africains le rappela des rivages de l’Atlantique ; et environné de tous côtés par une multitude furieuse, il n’eut d’autre ressource que celle de mourir glorieusement. La dernière scène de sa vie offrit un bel exemple de la générosité si commune parmi les Arabes. Un chef ambitieux qui lui avait disputé le

  1. Otter (p. 119) a donné toute l’énergie du fanatisme à cette exclamation que Cardonne (p. 37) a adoucie, et qui, sous sa plume, n’offre que le pieux dessein de prêcher le Koran. Cependant ils avaient l’un et l’autre le texte de Novairi sous les yeux.