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voir, la désertion de leurs sujets, accoutumés à une juridiction douce et paternelle, les en punit bientôt. Leur courage n’est assujetti à aucune entrave ; leurs pas sont libres ; le désert s’ouvre devant eux ; les tribus et les familles ne tiennent les unes aux autres que par un contrat mutuel et volontaire. La peuplade de l’Yémen, plus douce, a souffert la pompe et la majesté d’un monarque ; mais si, comme on l’a dit ce roi ne pouvait sortir de son palais sans mettre sa vie en danger[1], la force active de son gouvernement devait être entre les mains des nobles et des magistrats. Les villes de la Mecque et de Médine présentent, au sein de l’Asie, la forme ou plutôt l’existence réelle d’une république. Le grand-père de Mahomet et ses ancêtres en ligne directe paraissent, dans les opérations au dehors et dans l’administration intérieure, comme princes de leur pays ; toutefois leur empire, ainsi que celui de Périclès à Athènes et des Médicis à Florence, était fondé sur l’opinion qu’on avait de leur sagesse et de leur intégrité : leur influence se divisa avec leur patrimoine, et le sceptre passa des oncles du prophète à la branche cadette de la tribu des Koreishites. Ils assemblaient

  1. Μη εξειναι εκ των Βασιλειων, disent Agatharcides (De mari Rubro, p. 63, 64, in Hudson, t. I), Diodore de Sicile (t. I, l. III, c. 47, p. 215), et Strabon (l. XVI, p. 1124) ; mais je suis bien tenté de croire que c’est un de ces contes populaires ou de ces accidens extraordinaires que la crédulité des voyageurs a donnés si souvent pour un fait constant, pour une coutume ou pour une loi.