Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/278

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de terre noire et de plantes vertes placées entre une montagne pulvérisée et un sable rouge. Un cavalier part de Syène, arrive dans un mois au bord de la mer. Dans la vallée coule une rivière sur laquelle repose matin et soir la bénédiction du Très-Haut, et qui s’élève et s’abaisse avec les révolutions du soleil et de la lune. Lorsque la bonté annuelle de la Providence ouvre les sources et les fontaines qui alimentent le sol, les eaux du Nil débordent avec fracas dans toute la contrée ; cette inondation salutaire fait disparaître les champs, et les villages communiquent entre eux à l’aide d’une multitude de barques peintes. Les eaux, en se retirant, déposent une vase fertile prête à recevoir les diverses semences. Les nuées de cultivateurs qui noircissent la terre peuvent se comparer à une fourmillière industrieuse ; leur indolence naturelle est aiguillonnée par le fouet du maître et l’espoir des fleurs et des fruits que doit multiplier leur travail. Cet espoir est rarement trompé ; mais la richesse que procurent le froment, l’orge, le riz, les légumes, les arbres fruitiers et les troupeaux, se partage d’une manière inégale entre ceux qui travaillent et ceux qui possèdent. Selon la vicissitude des saisons, la surface du pays est ornée de vagues d’argent, de verdoyantes émeraudes et du jaune foncé des moissons dorées[1]. » Cependant cet

  1. Maillet, qui a été vingt ans consul au Caire, avait eu toutes sortes d’occasions d’examiner ce tableau varié. Il parle du Nil. (Lettre II, et en particulier p. 70-75), de la fertilité du sol (Lettre IX). Gray, qui vivait dans un collége