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ses efforts, repose en sûreté au sein de sa brûlante solitude. Les armes et les déserts des Bédouins ne garantissent pas seulement leur liberté, ils servent de barrière à l’Arabie Heureuse, dont les habitans, éloignés du théâtre de la guerre, sont énervés par l’abondance du sol et du climat. La fatigue et les maladies détruisirent les légions d’Auguste[1] ; et ce n’est jamais que par mer qu’on a pu réussir à subjuguer l’Yémen. Lorsque Mahomet arbora son étendard sacré[2], ce royaume était une province de l’empire de Perse ; mais sept princes des Homérites régnaient encore dans les montagnes, et le lieutenant de Chosroès se laissa persuader d’oublier sa patrie et son maître malheureux. Les historiens du siècle de Justinien nous font connaître la situation des Arabes indépendans, prenant parti, chacun selon leur intérêt ou leur affection, dans la longue querelle de l’Orient : on permit à la tribu de Gassan de camper sur le territoire de la Syrie, et aux princes de Hira de former une ville environ quarante milles

  1. Strabon, l. XVI, p. 1127-1129 ; Pline, Hist. nat., VI, 32. Ælius Gallus débarqua près de Médine, et fit près de trois cents lieues dans la partie de l’Yémen qui est entre Mareb et l’Océan. Le non ante devictis Sabeæ regibus (Od., I, 29), et les intacti Arabum thesauri (Od. III, 24) d’Horace, attestent l’indépendance encore vierge de l’Arabie.
  2. Voy. dans Pococke une histoire imparfaite de l’Yémen, Specim., p. 55-66 ; de Hira, p. 66-74 ; de Gassan, p. 75-78, sur tous les points qu’on a pu savoir, ou dont on a pu conserver le souvenir dans un temps d’ignorance.