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ou l’intérêt le détermina à renoncer au culte des idoles, il se sauva de la Mecque avec Caled son ami, et le prophète de Médine eut le plaisir d’embrasser au même instant les deux plus intrépides champions de sa cause. Amrou, qui montrait un extrême désir de se trouver à la tête des armées des fidèles, fut réprimandé par Omar, qui lui conseilla de ne pas chercher le pouvoir et la domination, car l’homme qui est sujet aujourd’hui, peut être prince demain. Au reste, les deux premiers successeurs de l’apôtre ne négligèrent pas son mérite ; ils durent à sa bravoure les conquêtes de la Palestine, et dans toutes les batailles et tous les siéges de la Syrie, il montra à la fois le sang-froid d’un général et la valeur d’un soldat rempli d’ardeur. Dans un de ses voyages de Médine, le calife lui témoigna le désir de voir l’épée qui avait privé de la vie tant de guerriers chrétiens : le fils d’Aasi lui présente un cimeterre fort court et qui n’avait rien de particulier, et s’apercevant de la surprise d’Omar : « Hélas ! lui dit le modeste Sarrasin, l’épée elle-même, sans le bras de son maître souverain, n’est ni plus tranchante ni plus lourde que l’épée de Pharezdak le poète[1]. » Après la conquête de l’Égypte, la jalousie du calife Othman l’engagea à rappeler Amrou ; mais dans les troubles qui survinrent, son ardeur à se montrer comme capitaine, comme

  1. Cette réponse a été conservée par Pococke (Not. ad Carmen Tograi, p. 284), et M. Harris (Philosophical Arrangements, p. 350) la loue avec raison.