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trois mille statues qui décoraient la ville du Soleil aux jours de sa prospérité.

Égypte. Caractère et vie d’Amrou.

III. Il est nécessaire, pour l’explication de l’histoire de la conquête de l’Égypte, d’entrer dans quelques détails sur le caractère du vainqueur. Amrou, un des premiers d’entre les Sarrasins, à une époque où le courage et l’enthousiasme élevaient le dernier des musulmans au-dessus de lui-même, était d’une naissance à la fois vile et illustre. Il avait reçu le jour d’une célèbre prostituée, qui de cinq Koreishites qu’elle recevait chez elle, ne put dire lequel était le père de cet enfant ; mais d’après la ressemblance des traits, elle l’attribua à Aasi le plus âgé de ses amans[1]. La jeunesse d’Amrou se laissa entraîner par les passions et les préjugés de sa famille ; il exerça son talent pour la poésie dans des vers satiriques contre la personne et la doctrine de Mahomet ; la faction qui dominait alors employa son adresse contre les exilés pour cause de religion, qui s’étaient réfugiés à la cour du roi d’Éthiopie[2] ; mais il revint de son ambassade secrètement dévoué à l’islamisme ; la raison

  1. Nous avons été instruits de ce fait par le courage d’une vieille femme, qui le reprocha en face au calife et à son ami. Elle fut encouragée par le silence d’Amrou et les largesses de Moawiyah (Abulféda, Annal. Moslem., p. 111).
  2. Gagnier (Vie de Mahomet, t. II, p. 46, etc.) cite l’histoire ou le roman abyssinien d’Abdel-Balcides. Au reste, ces détails sur l’ambassade et l’ambassadeur sont vraisemblables.