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vironner : naturellement indolent, il ne trouvait plus dans une vieillesse infirme de quoi l’exciter à un second effort. Un sentiment de honte et les sollicitations des Syriens l’empêchèrent de s’éloigner dès le premier moment du théâtre de la guerre ; mais le héros n’existait plus, et on peut attribuer en quelque sorte à l’absence ou à la mauvaise conduite du souverain la perte de Damas et de Jérusalem, et les sanglantes journées d’Aiznadin et de Yermuk. Au lieu de défendre le tombeau de Jésus-Christ, il occupa l’Église et l’état d’une controverse métaphysique sur l’unité de la volonté ; et tandis qu’il couronnait le fils qu’il avait eu de sa seconde femme, il se laissait tranquillement dépouiller de la portion la plus précieuse de l’héritage qu’il destinait à ses enfans. Prosterné dans la cathédrale d’Antioche, en présence des évêques et aux pieds du crucifix, il pleura ses péchés et ceux de son peuple ; il apprit au monde qu’il était inutile et peut-être impie de s’opposer au jugement de Dieu. Les Sarrasins étaient réellement invincibles puisqu’on les regardait comme tels ; et la désertion de Youkinna, son faux repentir, ses perfidies multipliées, pouvaient justifier les soupçons de l’empereur, qui se croyait entouré de traîtres et d’apostats cherchant à livrer sa personne et son empire aux ennemis de Jésus-Christ. Troublé par l’adversité et la superstition, il se laissa effrayer par des songes et des présages où il crut voir une annonce de la chute de sa couronne ; et après avoir dit à la Syrie un éternel adieu, il s’embarqua avec une suite