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d’une famille opulente, nommée Eudoxie ; les parens de celle-ci différant la noce, elle se laissa persuader de fuir avec l’homme qu’elle avait choisi. Les deux amans corrompirent les soldats qui, pendant la nuit, gardaient la porte de Keisan. Jonas, qui marchait le premier, fut environné par une troupe d’Arabes ; il s’écria en langue grecque : « L’oiseau est pris, » et de cette manière il avertit sa maîtresse de rentrer dans la ville de Damas. Le malheureux Jonas, amené devant Caled et menacé de la mort, déclara qu’il croyait en un seul Dieu et en Mahomet son apôtre, et jusqu’à l’époque de son martyre il remplit les devoirs d’un brave et sincère musulman. La ville prise, il se rendit au monastère où s’était réfugiée Eudoxie : mais elle avait oublié son amant, pour ne plus voir en lui qu’un apostat qu’elle reçut avec mépris ; elle préféra sa religion à sa terre natale ; et Caled, sourd à la pitié, mais conduit en cette occasion par la justice, se refusa à retenir de force un homme ou une femme de Damas : un article du traité et les soins

    faits de l’histoire, les mœurs du siècle où se passe l’action, et les mouvemens du cœur humain. La sotte délicatesse des acteurs a obligé l’auteur à adoucir le crime du héros et le désespoir de l’héroïne. Phocyas n’est plus un vil renégat, et il sert les Arabes à titre d’allié : au lieu de déterminer Caled à poursuivre les chrétiens, il vole au secours de ses compatriotes ; après avoir tué Caled et Derar, il est blessé mortellement, et expire sous les yeux d’Eudoxie, qui déclare sa résolution de prendre le voile à Constantinople ; dénoûment tout-à-fait froid.