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la reconnaissance de ses disciples dans les bornes de la raison et de la religion. Les sectaires d’Ali ont, il est vrai, consacré la mémoire de leur héros, de sa femme et de ses enfans ; et quelques-uns des docteurs persans prétendent que l’essence divine s’est incarnée dans la personne des imans ; mais tous les sonnites condamnent comme une impiété cette superstition, qui a achevé de prémunir contre le culte des saints et des martyrs. Les questions métaphysiques sur les attributs de Dieu et la liberté de l’homme ont été agitées dans les écoles des musulmans ainsi que dans celles des chrétiens ; mais chez les premiers elles n’ont jamais échauffé les passions du peuple ou troublé la tranquillité de l’état. C’est peut-être dans la séparation ou l’union des fonctions sacerdotales et des fonctions royales qu’il faut chercher la cause de cette différence remarquable. Il était de l’intérêt des califes, successeurs du prophète et commandeurs des fidèles, de réprimer et de décourager toutes les innovations religieuses : l’ordre du clergé, son ambition temporelle et spirituelle, sont des choses absolument inconnues aux musulmans ; et les sages de la loi sont les guides de leur conscience et les oracles de leur foi. Depuis l’Océan Atlantique jusqu’au Gange, le Koran est reconnu comme le code fondamental, non-seulement de la théologie, mais de la jurisprudence civile et criminelle, et l’infaillible et immuable sanction de la volonté de Dieu maintient les lois qui règlent les actions et la propriété des hommes. Cette servitude religieuse a, dans la pratique, quelques dé-