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vît le moindre feu sur son âtre. Il confirmait par son exemple l’interdiction du vin ; il apaisait sa faim avec une modique portion de pain d’orge ; il aimait beaucoup le lait et le miel, mais il se nourrissait ordinairement de dattes et d’eau. Les parfums et les femmes étaient les deux sensualités qu’exigeait son tempérament : sa religion ne les défendait pas, et il assurait que ces innocens plaisirs augmentaient la ferveur de sa dévotion. La chaleur du climat enflamme le sang des Arabes, et les écrivains de l’antiquité ont remarqué leur penchant au libertinage[1]. Les lois civiles et religieuses du Koran réglèrent leur incontinence ; elles blâmèrent leurs alliances incestueuses ; et une polygamie sans bornes fut réduite à quatre femmes ou concubines ; elles fixèrent d’une manière équitable les droits de couche et de douaire des femmes ; elles découragèrent la liberté du divorce ; elles firent de l’adultère un crime capital, et elles punirent de cent coups de fouet la fornication de l’un ou de l’autre sexe[2]. Tels furent les préceptes que donna le législateur dans le calme de sa raison ; mais dans sa vie privée, Mahomet se livra sans contrainte aux penchans de l’homme, et il abusa des droits du prophète. Une révélation particulière le dispensa des

  1. Incredibile est quo ardore apud eos in Venerem uterque solvitur sexus. Ammien-Marcellin, l. XIV, c. 4.
  2. Sale (Discours préliminaire, p. 133-137) fait une récapitulation des lois sur le mariage, le divorce, etc. ; et celui qui aura lu l’Uxor hebraica de Selden y reconnaîtra plusieurs ordonnances des Juifs.