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rité peut nous porter à croire que Mahomet fut d’abord animé par les motifs les plus purs d’une bienveillance naturelle ; mais l’apôtre, qui n’est pas un dieu, est incapable de chérir les incrédules obstinés à rejeter ses prétentions, mépriser ses argumens et persécuter sa vie. Si Mahomet pardonna quelquefois à ses adversaires personnels, il croyait sans doute qu’il lui était permis de détester les ennemis de Dieu ; alors les passions inflexibles de l’orgueil et de la vengeance s’allumèrent dans son sein, et ainsi que le prophète de Ninive, il forma des vœux pour la destruction des rebelles qu’il avait condamnés. L’injustice de la Mecque et le choix de Médine transformèrent le simple citoyen en prince, et l’humble prédicateur en général d’armée. Mais son glaive était consacré par l’exemple des saints, et le même Dieu qui châtie un monde coupable, par la peste et les tremblemens de terre, pouvait employer la valeur de ses serviteurs à la conversion et au châtiment des hommes. Dans l’exercice du gouvernement politique, il fut contraint d’adoucir l’inflexible sévérité du fanatisme, de se prêter à quelques égards aux préjugés et aux passions de ses sectaires, et d’employer les vices mêmes du genre humain pour son salut. Le mensonge et la perfidie, la cruauté et l’injustice ont servi souvent à la propagation de la foi, et Mahomet ordonna ou approuva l’assassinat des Juifs et des idolâtres qui s’étaient échappés du champ de bataille. De pareils actes répétés durent corrompre peu à peu son caractère, et la pratique de quelques vertus per-