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la langue en s’assurant de leur affection par de grandes libéralités : Abu Sophian lui seul reçut trois cents chameaux et vingt onces d’argent, et la Mecque embrassa sincèrement l’utile religion du Koran. Les fugitifs et les auxiliaires se plaignirent ; ils dirent qu’après avoir porté le fardeau de la guerre, on les négligeait au moment du triomphe. « Hélas ! répliqua ce chef habile, souffrez que je sacrifie quelques biens périssables pour m’attacher ces gens qui étaient nos ennemis, pour affermir la foi de ces nouveaux prosélytes. Quant à vous, je vous confie ma vie et ma fortune ; vous êtes les compagnons de mon exil, de mon royaume, de mon paradis. » Il fut suivi par les députés de Tayef, qui craignaient un second siége : « Apôtre de Dieu, accordez-nous, lui dirent-ils, une trêve de trois ans, et souffrez notre ancien culte. Pas un mois, pas une heure. — Dispensez-nous du moins du devoir de la prière. — La religion est inutile sans la prière. » Ils se soumirent en silence ; on démolit leur temple, et on étendit cet arrêt de proscription sur toutes les idoles de l’Arabie. Un peuple fidèle salua ses lieutenans sur les côtes de la mer Rouge, de l’Océan et du golfe de Perse ; et les ambassadeurs qui vinrent s’agenouiller devant le trône de Médine, furent aussi nombreux, dit un proverbe arabe, que les dattes mûres qui tombent d’un palmier. La nation se soumit au dieu et au sceptre de Mahomet : on supprima l’ignominieuse dénomination de tribut ; les aumônes ou les dîmes volontaires ou forcées furent employées au service de la religion, et