Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/119

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ils comptaient sur les vœux et peut-être sur les secours d’un peuple qui venait si récemment de renoncer à ses dieux, et de se soumettre au joug de son ennemi. Le prophète déploya les bannières de Médine et de la Mecque ; une foule de Bédouins se rangea sous ses drapeaux ; et les musulmans se voyant au nombre de douze mille, se livrèrent à une imprudente et coupable présomption. Ils descendirent sans précaution dans la vallée de Honain ; les archers et les frondeurs des alliés s’étaient emparés des hauteurs : l’armée de Mahomet fut accablée ; elle perdit sa discipline, son courage s’affaiblit, et le danger qui la menaçait remplit de joie les Koreishites. Les ennemis environnaient le prophète monté sur sa mule blanche ; il voulut se précipiter contre leurs piques, afin d’obtenir du moins une mort glorieuse ; mais dix de ses fidèles compagnons lui firent un rempart de leurs armes et de leurs corps ; trois d’entre eux furent tués à ses pieds. « Ô mes frères ! s’écria-t-il à diverses reprises, avec douleur et avec indignation, je suis le fils d’Abdallah ; je suis l’apôtre de la vérité ! Ô hommes ! soyez constans dans la foi : ô Dieu, envoie-nous tes secours ! » Abbas son oncle, qui, semblable aux héros d’Homère, excellait par l’éclat et la force de sa voix, fit retentir la vallée du récit des dons et des promesses ; les musulmans fugitifs revinrent de tous côtés sous l’étendard sacré, et Mahomet vit avec satisfaction le feu du courage se ranimer dans tous les cœurs : sa conduite et son