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Ses soldats entrèrent dans cette ville en trois divisions ; vingt-huit citoyens périrent par l’épée de Caled, Mahomet proscrivit onze hommes et six femmes ; mais il blâma la cruauté de son lieutenant ; et sa clémence ou son mépris épargnèrent plusieurs de ceux qu’il avait désignés pour victimes. Les chefs des Koreishites tombèrent à ses pieds. Il leur dit : « que pouvez-vous attendre d’un homme que vous avez outragé ? — Nous comptons sur la générosité de notre concitoyen. — Et vous n’y compterez pas en vain : allez, votre vie est en sûreté, et vous êtes libres. » Le peuple de la Mecque mérita son pardon, en se déclarant pour l’islamisme ; et après un exil de sept ans, le missionnaire fugitif fut reconnu en qualité de prince et de prophète de son pays[1] ; mais les trois cent soixante idoles de la Caaba furent brisées avec ignominie, le temple de Dieu fut purifié et embelli : pour l’exemple des générations futures, l’apôtre se soumit de nouveau à tous les devoirs du pèlerin, et une loi expresse défendit à tout mécréant de mettre le pied sur le territoire de la sainte cité[2].

  1. Les docteurs musulmans disputent encore sur la question de savoir si la Mecque fut réduite par la force ou si elle se soumit de bon gré (Abulf., p. 107, et Gagnier, ad loc.) ; et cette dispute de mots est aussi importante que celle qu’on agite en Angleterre sur Guillaume le Conquérant.
  2. Chardin (Voyage en Perse, t. IV, p. 166) et Reland (Dissert. miscell., t. III, p. 51) en excluant les chrétiens de la péninsule d’Arabie, de la province de Hejas ou de la navigation de la mer Rouge, sont plus sévères que les mu-