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forme d’un croissant, et Caled, le plus terrible et le plus heureux des guerriers arabes, conduisait l’aile droite de la cavalerie. Mahomet plaça habilement ses soldats sur le penchant de la colline, et laissa sur ses derrières un détachement de cinquante archers. Leur charge fut si vigoureuse, qu’elle rompit le centre des idolâtres ; mais en les poursuivant ils perdirent l’avantage du terrain : les archers abandonnèrent leur poste ; les uns et les autres, séduits par l’appât du butin, désobéirent à leur général, et rompirent leurs rangs. L’intrépide Caled, faisant tourner sa cavalerie sur leurs flancs et sur leurs derrières, s’écria à haute voix que Mahomet venait d’être tué. Il avait en effet reçu un coup de javeline au visage, et une pierre lui avait cassé deux dents : cependant, au milieu du désordre et de l’épouvante, il reprochait aux infidèles le meurtre d’un prophète, et il bénissait la main amicale qui étanchait son sang et le conduisait en lieu de sûreté. Soixante-dix martyrs perdirent la vie pour les péchés du peuple ; ils tombèrent, dit l’apôtre, en priant, et chacun tenant embrassé le corps de son frère d’armes, mort avec lui[1] : les femmes de la Mecque mutilèrent inhumainement leurs cadavres, et l’épouse d’Abu-Sophian mangea un morceau des entrailles de Hamza, oncle de Mahomet. Les Koreishites purent jouir du triom-

  1. Dans le troisième chapitre du Koran (p. 50-53, avec les Notes de Sale) le prophète donne quelques misérables excuses sur la défaite d’Ohud.