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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. I.

chait à une profession noble, dans laquelle son avancement et sa réputation dépendaient de son courage, et que, bien que les exploits d’un simple soldat échappent souvent à la renommée, il était en son pouvoir de couvrir de gloire ou de honte la compagnie, la légion, l’armée même dont il partageait les triomphes. En le recevant au service, on exigeait de lui un serment auquel une foule de circonstances concouraient à donner une grande solennité. Il jurait de ne jamais quitter son étendard, de soumettre sa propre volonté aux ordres de ses commandans, et de sacrifier sa vie pour la défense de l’empereur et de l’empire[1]. L’attachement des troupes romaines à leurs drapeaux leur était inspiré par l’influence réunie de la religion et de l’honneur. L’aigle doré qui brillait à la tête de la légion, était l’objet du culte le plus sacré, et l’on voyait autant d’impiété que de honte dans la lâcheté de celui qui abandonnait au moment du danger ce signe respectable[2]. Ces motifs, qui tiraient leur force de l’imagination, étaient soutenus par des craintes et des espérances plus réelles : une paye régulière, des gratifications, une récompense assurée après le temps limité du service, encourageaient les soldats à supporter les

  1. Le serment de fidélité que l’empereur exigeait des troupes était renouvelé tous les ans le 1er janvier.
  2. Tacite appelle les aigles romaines bellorum deos. Placées dans une chapelle au milieu du camp, elles étaient adorées par les soldats comme les autres divinités.