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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

accordait, avec raison, la préférence aux climats du nord sur ceux du midi : on cherchait dans les campagnes, plutôt que dans les villes, des hommes brisés à la fatigue des armes ; il était à présumer que les travaux pénibles des charpentiers, des forgerons et des chasseurs, donneraient plus de vigueur et de force que les occupations sédentaires qui contribuent au luxe[1]. Lors même que le droit de propriété ne fut plus un titre pour être employé dans les armées, les troupes des empereurs romains continuèrent, pour la plupart, d’être commandées par des officiers d’une naissance et d’une éducation honnêtes ; mais les soldats, semblables aux troupes mercenaires de l’Europe moderne, étaient tirés de la classe la plus vile et souvent la plus corrompue.

Discipline.

La vertu politique, que les anciens appelaient patriotisme, prend sa source dans la ferme conviction que notre intérêt est intimement lié à la conservation et à la prospérité du gouvernement libre auquel nous participons. Une telle persuasion avait rendu les légions de la république romaine presque invincibles ; mais elle ne pouvait faire qu’une bien faible impression sur les esclaves mercenaires d’un despote. Ce principe une fois détruit, on y suppléa par d’autres motifs d’une nature bien différente, mais dont la force était prodigieuse, la religion et l’honneur. Le paysan ou le citadin se pénétrait de cette utile opinion qu’en prenant les armes, il s’atta-

  1. Voyez Végèce, De re militari, l. I, c. 2-7.