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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. I.

important d’observer comment ils en ont assuré pendant si long-temps la tranquillité et les succès.

Établissemens militaires des empereurs romains.

Dans les beaux temps de la république, l’usage des armes était réservé à cette classe de citoyens qui avaient une patrie à aimer, un patrimoine à défendre, et qui, participant à l’établissement des lois, trouvaient leur intérêt comme leur devoir à les faire respecter. Mais à mesure que l’étendue des conquêtes affaiblit la liberté publique, insensiblement le talent de la guerre s’éleva jusqu’à la perfection d’un art, et s’abaissa au vil rang d’un métier[1]. Les légions, même au temps où les recrutemens ne se faisaient plus que dans les provinces les plus éloignées, furent toujours supposées n’être formées que de citoyens romains. Ce titre était regardé ou comme la distinction naturellement attachée à la condition du soldat, ou comme la récompense de ses services ; mais on s’arrêtait plus particulièrement au mérite essentiel de l’âge, de la force et de la taille militaire[2]. Dans toutes les levées de troupes, on

  1. Le plus pauvre soldat possédait la valeur de plus de quarante liv. sterling (Denys d’Halycarnasse, IV, 17), somme considérable dans un temps où l’argent était si rare, qu’une once de ce métal équivalait à soixante-dix livres pesant d’airain. La populace, qui avait été exclue du service militaire par l’ancienne constitution, y fut admise par Marius. Voyez Salluste, Guerre de Jugurtha, c. 91.
  2. César composa une de ses légions (nommée l’Alauda) de Gaulois et d’étrangers, mais ce fut pendant la licence des guerres civiles ; et après ses victoires, il leur donna pour récompense le droit de citoyen romain.