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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

d’un soldat et possédait les talens d’un général[1]. Le système pacifique de ses prédécesseurs fut tout à coup interrompu par des guerres et par des conquêtes. Après un long intervalle, les légions virent enfin paraître à leur tête un empereur capable de les commander. Trajan se signala d’abord contre les Daces, nation belliqueuse, qui habitait au-delà du Danube, et qui, sous le règne de Domitien, avait insulté avec impunité la majesté de Rome[2]. À la force et à l’intrépidité des Barbares, les Daces ajoutaient ce mépris de la vie, que devait leur inspirer une persuasion intime de l’immortalité de l’âme et de sa transmigration[3]. Décébale, leur roi, n’était pas un rival indigne de Trajan : il ne désespéra de sa fortune et de celle de sa nation, qu’après avoir, de l’aveu même de ses ennemis, épuisé toutes les ressources de la politique[4]. Cette guerre mémorable dura cinq années, presque sans aucune interruption : Trajan, qui pouvait disposer à son gré de toutes les forces de l’empire, demeura vainqueur, et soumit entièrement les Barbares[5]. La Dacie, qui fit une

  1. Voy. le Panégyrique de Pline, qui paraît être appuyé sur des faits.
  2. Dion Cassius, l. LXVII.
  3. Hérodote, l. IV, c. 94 ; Julien, dans les Césars, avec les observations de Spanheim.
  4. Pline, Épît. VIII, 9.
  5. Dion Cassius, l. LVIII, p. 1123, 1131 ; Julien, dans les Césars ; Eutrope, VIII, 2, 6 ; Aurelius-Victor, et Victor, in Epitom.