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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

reurs crurent devoir plutôt marcher sur les traces de César que suivre les maximes d’Auguste. La situation d’une île voisine de la Gaule leur inspira le dessein de s’en rendre maîtres : leur avidité était encore excitée par l’espoir agréable, quoique incertain, qui leur avait été donné d’y trouver une pêcherie de perles[1]. La Bretagne semblait être un monde séparé ; ainsi cette conquête formait à peine une exception au plan généralement adopté pour le continent. Après une guerre d’environ quarante ans[2], entreprise par le plus stupide, continuée par le plus débauché, terminée par le plus lâche des empereurs, la plus grande partie de l’île subit le joug des Romains[3]. De la valeur sans conduite, l’amour de la

  1. César lui-même dissimule ce motif peu relevé, mais Suétone en fait mention, c. 47. Au reste, les perles de la Bretagne se trouvent de peu de valeur, à raison de leur couleur obscure et livide. Tacite observe avec raison que c’était un défaut inhérent à leur nature. (Vie d’Agricola, c. 12.) « Ego faciliùs crediderim naturam margaritis deesse, quàm nobis avaritiam. »
  2. Sous les règnes de Claude, de Néron et de Domitien. Pomponius Mela, qui écrivait sous le premier de ces princes, espère (l. III, c. 6) qu’à la faveur du succès des armes romaines, l’île et ses sauvages habitans seront bientôt mieux connus. Il est assez amusant de lire de pareils passages au milieu de Londres.
  3. Voyez l’admirable abrégé que Tacite nous a donné dans la Vie d’Agricola, et que nos savans antiquaires, Camden et Horsley, ont enrichi de commentaires si étendus, quoique peut-être encore incomplets.