Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
NOTICE SUR LA VIE

anglaises, écrites à la fin de sa vie, de véritables gallicismes, que, dans la crainte qu’ils ne soient pas entendus en anglais, il explique lui-même par l’expression française à laquelle ils se rapportent[1]. Après son premier retour en Angleterre, son père avait voulu le faire élire membre du parlement : le jeune Gibbon qui aimait mieux, avec raison, que les dépenses qu’eut nécessitées cette élection fussent employées à des voyages qu’il sentait devoir être plus utiles à son talent et à sa réputation, lui écrivit à ce sujet une lettre qu’on nous a conservée, et dans laquelle, outre les raisons tirées de son peu de dispositions pour parler en public, il lui déclare qu’il manque même des préjugés de nation et de parti, nécessaires pour obtenir quelque éclat, et peut-être produire quelque bien dans la carrière qu’on veut lui faire embrasser. Si après la mort de son père il se laissa tenter par l’occasion qui s’offrit à lui d’entrer dans le parlement, il avoue en plusieurs endroits qu’il y est entré sans patriotisme, et, comme il le dit, sans ambition ; car, dans la suite il n’a jamais porté ses vues au-delà de la place commode et honnête de lord of trade. Peut-être lui souhaiterait-on moins de facilité à avouer cette sorte de modération qui, dans un homme de talent, borne les désirs aux aisances d’une fortune acquise sans travail. Mais Gibbon exprime ce sentiment aussi franchement qu’il l’avait éprouvé ; il ne connut que par l’expérience les dégoûts attachés à la situation qu’il avait choisie. À la vérité, il paraît les avoir sentis vivement, si l’on en juge par quelques expressions de ses lettres sur la honte de la dépendance à laquelle il avait été soumis, et le regret de s’être vu dans une situation indigne de son caractère. Il est vrai que lorsqu’il écrivait ces mots il avait perdu sa place.

  1. Voyez la lettre CXC. Je compte, dit-il, find myself (me trouver) in London on, or before the first of august.