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ET LE CARACTÈRE DE GIBBON

avaient d’abord causé leurs attaques, et peut-être aussi l’empêcha de reconnaître les torts réels qu’il avait à se reprocher.

D’ailleurs Hume et Robertson avaient comblé le nouvel historien des témoignages d’estime les plus flatteurs ; ils parurent craindre l’un et l’autre que la manière dont il avait traité ces deux chapitres, ne nuisît au succès de son ouvrage ; mais tous deux se prononcèrent sur son talent d’une manière assez honorable, pour que Gibbon fût autorisé à dire modestement dans ses Mémoires, en se félicitant d’une lettre qu’il avait reçue de Hume ; au reste, je n’ai jamais eu l’orgueil d’accepter une place dans le triumvirat des historiens anglais. Hume, surtout, exprima la plus grande prédilection pour l’ouvrage de Gibbon, dont les opinions se rapprochaient des siennes à quelques égards, et qui, de son côté, préférait aussi le talent de Hume à celui de Robertson. Quoi qu’il en soit de ce jugement, on n’adoptera peut-être pas sans restriction celui de Hume, qui, écrivant à Gibbon, le loue de la dignité de son style. La dignité ne me paraît pas être le caractère du style de Gibbon, généralement épigrammatique, et plus fort par le trait que par l’élévation. Je souscrirais plus volontiers à celui de Robertson, qui, après avoir rendu justice à l’étendue de ses connaissances, à ses recherches et à son exactitude, louait la clarté et l’intérêt de sa narration, l’élégance, la force de son style, et le rare bonheur de quelques-unes de ses expressions, bien qu’en quelques endroits il le trouvât trop travaillé, et en d’autres trop recherché. Ce défaut s’explique aisément par la manière de travailler de Gibbon, les inconvéniens qu’il avait eus à éviter, et les modèles qu’il avait adoptés de préférence. Son premier travail avait été laborieux ; il nous apprend qu’il refit trois fois son premier chapitre, deux fois le second et le troisième, et qu’il eut beaucoup de peine à saisir le milieu