Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/439

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que les premières dignités de l’état étaient tous les jours vendues publiquement aux plus indignes citoyens. Nous ne savons pas comment l’empereur fut assez heureux pour s’affranchir de cette ignominieuse servitude, et pour placer sa confiance dans un ministre dont les sages conseils n’eurent pour objet que la gloire du souverain et le bonheur du peuple. On serait porté à croire que l’amour et les lettres valurent à Misithée la faveur de Gordien. Ce jeune prince, après avoir épousé la fille de son maître de rhétorique, éleva son beau-père aux premiers emplois de l’état. Il existe encore deux lettres admirables qu’ils s’écrivirent. Le ministre, avec cette noble fermeté que donne la vertu, félicite Gordien de ce qu’il s’est arraché à la tyrannie des eunuques, et plus encore de ce qu’il sent le prix de cet heureux affranchissement[1]. L’empereur reconnaît, avec une aimable confusion, les erreurs de sa conduite passée ; et il peint avec des couleurs bien naturelles le malheur d’un monarque entouré d’une foule de vils courtisans, qui s’efforcent perpétuellement de lui dérober la vérité[2].

  1. Hist. Aug., p. 161. D’après quelques particularités contenues dans ces deux lettres, j’imagine qu’on n’obtint pas l’expulsion des eunuques sans quelque respectueuse violence, et que le jeune Gordien se contenta d’approuver leur disgrâce sans y consentir.
  2. Duxit uxorem filiam Misithei, quem causâ eloquentiæ dignum parentelâ suâ putavit, et præfectum statim fecit ; post quod non puerile jam et contemptibile videbatur imperium.