Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/435

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des acclamations universelles, la sombre contenance des gardes annonçait qu’ils se regardaient plutôt comme l’objet du triomphe, que comme associés aux honneurs de leurs souverains. Dès qu’ils furent tous assemblés dans leur camp, ceux qui avaient combattu pour Maximin, et ceux qui n’étaient point sortis de la capitale, se communiquèrent réciproquement leurs sujets de plainte et leurs alarmes. Les empereurs choisis par l’armée avaient subi une mort ignominieuse ; des citoyens que le sénat avait revêtus de la pourpre, étaient assis sur le trône[1]. Les sanglans démêlés qui existaient depuis si long-temps entre les puissances civile et militaire, venaient d’être terminés par une guerre dans laquelle l’autorité civile avait remporté une victoire complète. Il ne restait plus aux soldats qu’à adopter de nouvelles maximes, et à se soumettre au sénat ; et, malgré la clémence dont se parait cette compagnie politique, ils devaient redouter les funestes effets d’une vengeance lente, colorée du nom de discipline, et justifiée par de spécieux prétextes de bien public. Mais leur destinée était toujours entre leurs mains ; et s’ils avaient assez de courage pour mépriser les vaines menaces d’une république impuissante, ils pouvaient convaincre l’univers que ceux qui tiennent les armes, disposent de l’autorité de l’état.

  1. Le sénat, au milieu de ses acclamations, avait eu l’imprudence de faire cette remarque : elle n’échappa point aux soldats, qui la regardèrent comme une insulte. Hist. Aug., p. 170.