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lui, la pourpre impériale, il était âgé de plus de quatre-vingts ans. On se plaisait à contempler dans ce vieillard respectable les restes uniques et précieux du siècle fortuné des Antonins, dont il retraçait les vertus par sa conduite, et qu’il avait célébrées dans un poëme élégant de trente livres. Le fils de ce vénérable proconsul l’avait accompagné en Afrique en qualité de lieutenant : il fut pareillement proclamé empereur par les habitans de la province. Le jeune Gordien avait des mœurs moins pures que celles de son père ; mais son caractère était aussi aimable. Vingt-deux concubines reconnues, et une bibliothéque de soixante-deux mille volumes, attestent la diversité de ses goûts ; et, d’après ce qui resta de lui, il paraît que les femmes et les livres étaient plutôt destinés à son usage qu’à une vaine ostentation[1]. Le peuple romain retrouvait dans ses traits l’image chérie de Scipion-l’Africain ; et, se rappelant que sa mère était petite fille d’Antonin-le-Pieux, il se flattait que les vertus du jeune Gordien, cachées jusque alors dans le luxe indolent d’une vie privée, allaient bientôt se développer sur un plus grand théâtre.

Ils sollicitent la confirmation de leur autorité.

Dès que les Gordiens eurent apaisé les premiers tumultes d’une élection populaire, ils se rendirent à Carthage. Ils furent reçus avec transport par les

  1. Le jeune Gordien eut trois ou quatre enfans de chaque concubine. Ses productions littéraires, quoique moins nombreuses, n’étaient pas à mépriser.