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réputation de valeur et de discipline. Déjà les rangs des révoltés étaient rompus, lorsque la mère et l’aïeule du prince de Syrie, qui, selon l’usage des Orientaux, accompagnaient l’armée dans des chars couverts, en descendirent avec précipitation, et cherchèrent, en excitant la compassion du soldat, à ranimer son courage. Antonin lui-même, qui dans tout le reste de sa vie ne se conduisit jamais comme un homme, se montra un héros dans ce moment de crise. Il monte à cheval, rallie les fuyards, et se jette, l’épée à la main, dans le plus épais de l’ennemi ; tandis que l’eunuque Gannys, dont jusque alors les soins du sérail et le luxe efféminé de l’Asie avaient fait l’unique occupation, déploie les talens d’un général habile et expérimenté[1]. La victoire était encore incertaine, et Macrin aurait peut-être été vainqueur, s’il n’eût pas trahi sa propre cause, en prenant honteusement la fuite. Sa lâcheté ne servit qu’à prolonger sa vie de quelques jours, et à imprimer à sa mémoire une tache qui fit oublier ses malheurs. Il est presque inutile de dire que son fils Diadumenianus fut enveloppé dans le même sort. Dès que les inébranlables prétoriens eurent appris qu’ils répandaient leur sang pour un prince qui avait eu la bassesse de les abandonner, ils se rendirent à son compétiteur ; et les soldats romains, versant des larmes de joie et de tendresse, se réunirent

  1. Gannys n’était pas un eunuque. Dion, p. 1355. (Note de l’Éditeur.)