Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/335

Cette page a été validée par deux contributeurs.

jusque alors dans la discipline des camps, perdirent leur vigueur dans le luxe des villes. L’augmentation excessive de la paye et des gratifications[1] épuisa la classe des citoyens pour enrichir l’ordre militaire.

  1. Selon Dion (l. LXXVIII, p. 1343), les présens extraordinaires que Caracalla faisait à ses troupes, se montaient annuellement à soixante-dix millions de drachmes, environ deux millions trois cent cinquante mille livres sterl. Il existe, touchant la paye militaire, un autre passage de Dion, qui serait infiniment curieux s’il n’était pas obscur, imparfait, et probablement corrompu. Tout ce qu’on peut y découvrir, c’est que les soldats prétoriens recevaient par an douze cent cinquante drachmes, quarante liv. sterl. (Dion, l. LXXVII, p. 1307.) Sous le règne d’Auguste, ils avaient par jour deux drachmes ou deniers, sept cent vingt par an. (Tacite, Ann., I, 17.) Domitien, qui augmenta la paye des troupes d’un quart, a dû porter celle des prétoriens à neuf cent soixante drachmes. (Gronovius, De pecuniâ vetere, l. III, c. 2.) Ces augmentations successives ruinèrent l’empire ; car le nombre des soldats s’accrut avec leur paye : les prétoriens seuls, qui n’étaient d’abord que dix mille hommes, furent ensuite de cinquante mille (*).
    (*) Valois et Reimarus ont expliqué d’une manière très-simple et très-probable ce passage de Dion, que Gibbon ne me paraît pas avoir compris :
    ο αυτος τοις στρατιωταις αθλα της στρατειας, τοις μεν εν τω δορυφορικω τεταγμενοις ες χιλιας διακοιας πεντηκοντα, τοις δεπεντακις χιλιας λαμβανειν (εθηκε) Dion, l. LXXVII, p. 1307.
    « Il ordonna que les soldats recevraient de plus qu’ils n’avaient encore reçu, pour prix de leurs services, les prétoriens douze cent cinquante drachmes, et les autres cinq mille drachmes. »
    Valois pense que les nombres ont été transposés, et que Caracalla ajouta à la gratification des prétoriens cinq mille drachmes, et douze cent cinquante à celle des légionnaires. Les prétoriens, en effet, ont