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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. VI.

deux l’empire avec un pouvoir égal et indépendant[1].

Jalousie et haine des deux empereurs.

Une pareille administration aurait allumé la discorde entre les deux frères le plus tendrement unis. Il était impossible que cette forme de gouvernement subsistât long-temps entre deux ennemis implacables, qui, remplis d’une méfiance réciproque, ne pouvaient désirer une réconciliation. On prévoyait que l’un des deux seulement pouvait régner, et que l’autre devait périr. Chacun, en particulier, jugeant par ses propres sentimens des desseins de son rival, usait de la plus exacte vigilance pour mettre sa vie à l’abri des attaques du poison ou de l’épée. Ils parcoururent rapidement la Gaule et l’Italie ; et, pendant tout ce voyage, jamais ils ne mangèrent à la même table, ni ne dormirent sous le même toit, donnant ainsi, dans les provinces qu’ils traversaient, le spectacle odieux de l’inimitié fraternelle. À leur arrivée à Rome, ils se partagèrent aussitôt la vaste étendue du palais impérial[2]. Toute communication fut fermée entre

  1. Dion, l. LXXVI, p. 1284 ; Hérodien, l. III, p. 135.
  2. M. Hume s’étonne, avec raison, d’un passage d’Hérodien (l. IV, p. 139), qui représente, à cette occasion, le palais des empereurs comme égal en étendue au reste de Rome. Le mont Palatin, sur lequel il était bâti, n’avait tout au plus que onze ou douze mille pieds de circonférence (voyez la Notit. Victor, dans la Roma antica de Nardini) ; mais il ne faut pas oublier que les palais et les jardins immenses des sénateurs entouraient presque toute la ville, et que les empereurs en avaient confisqué la plus grande partie. Si Géta demeurait sur le Janicule, dans les jardins qui