Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/304

Cette page a été validée par deux contributeurs.
296
HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

plaisait à Sévère de l’appeler, était dans son opinion le seul moyen d’assurer la paix du peuple et la tranquillité du prince ; et il daignait déplorer la condition d’un souverain, qui, pour être humain, devait nécessairement, selon lui, commencer par être cruel[1].

Sagesse et justice de son gouvernement.

En général, les véritables intérêts d’un monarque absolu sont d’accord avec ceux de son peuple. Sa grandeur réelle consiste uniquement dans le nombre, l’ordre, les richesses et la sûreté de ses sujets ; et si son cœur est sourd à la voix de la vertu, la prudence peut au moins le guider, et lui dicter la même règle de conduite. Sévère regardait l’empire de Rome comme son bien propre : il n’en fut pas plus tôt possesseur paisible, qu’il n’oublia rien pour cultiver et pour améliorer une si précieuse acquisition. Des lois salutaires, exécutées avec une fermeté inflexible, corrigèrent bientôt la plupart des abus qui, depuis la mort de Marc-Aurèle, s’étaient introduits dans toutes les parties du gouvernement. Lorsque l’empereur rendait la justice, l’attention, le discernement et l’impartialité caractérisaient ses décisions. S’il s’écartait quelquefois des principes d’une exacte équité, il faisait toujours pencher la balance en faveur du pauvre et des opprimés, moins guidé, il est vrai, par quelque sentiment d’humanité que par le penchant naturel qu’ont les princes despotes à humilier l’orgueil des grands, et à rabaisser tous leurs sujets

  1. Aurelius-Victor.