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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. V.

croyait préparé à disputer l’empire au gouverneur de Syrie ; mais lorsqu’il apprit la marche rapide des légions invincibles de Pannonie, sa perte lui parut inévitable. L’arrivée précipitée de chaque courrier redoublait ses justes alarmes. On lui vint annoncer successivement que Sévère avait passé les Alpes ; que les villes d’Italie, disposées en sa faveur, ou incapables d’arrêter ses progrès, l’avaient reçu avec des transports de joie et des protestations de fidélité ; que l’importante place de Ravenne s’était rendue sans résistance ; et enfin que la flotte de la mer Adriatique obéissait au vainqueur. Déjà l’ennemi n’était plus éloigné de Rome que de deux cent cinquante milles ; chaque instant resserrait le cercle étroit de la vie et de l’empire du prince.

Détresse de Julianus.

Cependant Julianus entreprit de prévenir sa perte, ou du moins de la reculer. Il implora la foi vénale des prétoriens, remplit la capitale de vains préparatifs de guerre, tira des lignes autour des faubourgs de la ville, et se fortifia dans le palais, comme s’il eût été possible, sans espoir de secours, de défendre ces derniers retranchemens contre un ennemi victorieux. La honte et la crainte empêchèrent les prétoriens de l’abandonner ; mais ils tremblaient au nom des légions pannoniennes, commandées par un général expérimenté, et accoutumées à vaincre les Barbares sur les glaces du Danube[1]. Ils quittaient, en sou-

  1. Ceci n’est point une vaine figure de rhétorique ; c’est une allusion à un fait rapporté par Dion (l. LXXI, p. 1181), et qui probablement arriva plus d’une fois.