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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

Il ne paraît pas qu’Albinus ait jamais été le ministre des cruautés de Commode, ni même le compagnon de ses débauches. Il était revêtu d’un commandement honorable loin de la capitale, lorsqu’il reçut une lettre particulière de l’empereur, qui lui faisait part des complots de quelques officiers mécontens, et qui l’autorisait à se déclarer défenseur du trône et successeur à l’empire, en prenant le titre et la dignité de César[1]. Le gouverneur de Bretagne refusa sagement d’accepter un honneur dangereux qui l’aurait exposé à la jalousie, et qui pouvait l’envelopper dans la ruine prochaine de Commode. Albinus employa, pour s’élever, des moyens plus nobles, ou au moins plus imposans. Sur un bruit prématuré de la mort de l’empereur, il assembla ses troupes, et après avoir déploré les maux inévitables du despotisme, il leur représenta, dans un discours éloquent, le bonheur et la gloire dont leurs ancêtres avaient joui sous le gouvernement consulaire, et déclara qu’il était fermement résolu de rendre au peuple et au sénat leur autorité légitime.

Cette harangue populaire fut reçue par les légions britanniques avec des acclamations redoublées ; à Rome, elle excita des applaudissemens secrets. Tranquille possesseur d’une province séparée du continent et à la tête d’une armée moins célèbre, il est vrai, par la discipline que par le nombre et la valeur

  1. Hist. Aug., p. 80-84.