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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

dre sa personne, à en imposer au sénat, et à prévenir ou étouffer les premiers mouvemens d’une rebellion. Il leur accorda une double paye et des prérogatives supérieures à celles des autres troupes. Comme leur aspect formidable pouvait à la fois alarmer et irriter le peuple romain, ce prince n’en laissa que trois cohortes dans la capitale ; les autres étaient dispersées[1] en Italie dans les villes voisines. Mais après cinquante ans de paix et de servitude, Tibère crut pouvoir hasarder une mesure décisive qui rivât pour jamais les fers de son pays. Sous le prétexte spécieux de délivrer l’Italie de la charge des quartiers militaires, et d’introduire parmi les gardes une discipline plus rigoureuse, il appela le corps entier auprès de lui. [Leur camp.]Les prétoriens restèrent toujours dans le même camp[2], que l’on avait fortifié avec le plus grand soin[3], et qui, par sa situation avantageuse, dominait sur toute la ville[4].

Leur force et leur confiance.

Des serviteurs si redoutables, toujours nécessaires au despotisme, lui deviennent souvent funestes. En

  1. Suétone, Vie d’Auguste, c. 49.
  2. Tacite, Ann. IV, 2 ; Suétone, Vie de Tibère, c. 37 ; Dion Cassius, l. LVII, p. 867.
  3. Dans la guerre civile entre Vespasien et Vitellius, le camp des prétoriens fut attaqué et défendu avec toutes les machines que l’on employait au siége des villes les mieux fortifiées. (Tacite, Hist. III, 84.)
  4. Près des murs de la ville, sur le sommet des monts Quirinal et Viminal. Voyez Nardini, Roma antica, p. 174 ; Donatus, De Româ antiquâ, 46.