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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. IV.

soumis à Pertinax qu’avec répugnance ; et, redoutant la sévérité de l’ancienne discipline que ce prince se disposait à rétablir, ils regrettaient la licence du dernier règne. Ces dispositions étaient fomentées en secret par Lætus, préfet du prétoire, qui s’aperçut trop tard que l’empereur consentait à récompenser les services d’un sujet, mais qu’il ne voulait point être gouverné par un favori. Le troisième jour du règne de Pertinax, les prétoriens se saisirent d’un sénateur, dans l’intention de le mener à leur camp, et de le revêtir de la pourpre : loin d’être éblouie à la vue de ces honneurs dangereux, la victime tremblante s’échappe des mains des soldats et vient se réfugier aux pieds de l’empereur.

Conspiration prévenue.

Quelque temps après, Sosius Falco, l’un des consuls de l’année, se laissa entraîner par l’ambition : jeune, sorti d’une famille ancienne et opulente, et déjà connu par son audace[1], il profita de l’absence de Pertinax pour tramer une conspiration que déjouèrent tout à coup le retour précipité du prince et la fermeté de sa conduite. Falco allait être condamné à mort comme un ennemi public : il fut sauvé par les instances réitérées et sincères de l’empereur, qui, malgré l’insulte faite à sa personne, conjura le sénat de ne pas permettre que le sang d’un

  1. Si l’on peut ajouter foi au récit de Capitolin, Falco se conduisit envers Pertinax avec la dernière indécence le jour de son avènement : le sage empereur l’avertit seulement de sa jeunesse et de son inexpérience. Hist. Aug., p. 55.