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Juridiction légale du sénat contre les empereurs.

Ces efforts d’une rage impuissante contre un empereur mort, auquel le sénat, quelques heures auparavant, avait prostitué l’encens le plus vil, décelaient un esprit de vengeance plus conforme à la justice qu’à la générosité. La légitimité de ces décrets était fondée cependant sur les principes de la constitution impériale. De tout temps les sénateurs romains avaient eu le droit incontestable de censurer, de déposer ou de punir de mort le premier magistrat de la république, lorsqu’il avait abusé de son autorité[1] : mais cette faible assemblée était maintenant réduite à se contenter d’infliger au tyran après sa mort, des peines, dont l’arme redoutable du despotisme militaire l’avait mis à l’abri pendant son règne.

Vertus de Pertinax.

Pertinax trouva un moyen bien plus noble de condamner la mémoire de son prédécesseur : il fit briller ses vertus auprès des vices de Commode. Le jour même de son avènement, il abandonna sa fortune particulière à son fils et à sa femme, pour leur ôter tout prétexte de solliciter des faveurs aux dépens de

    et répétés ensuite, comme en chœur, par l’assemblée entière. Hist. Aug., p. 52.

  1. Le sénat condamna Néron à être mis à mort, more majorum. Suétone, c. 49 (*)
    (*) Aucune loi spéciale n’autorisait ce droit du sénat ; on le déduisait des anciens principes de la république. Gibbon paraît entendre, par le passage de Suétone, que le sénat, d’après son ancien droit, more majorum, punit Néron de mort ; tandis que ces mots (more majorum) se rapportent, non au décret du sénat, mais au genre de mort qui fut tiré d’une ancienne loi de Romulus. (Voyez Victor, Epitom., édit. Arntzen, p. 484, n. 7). (Note de l’Éditeur.)