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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

résolut de donner au peuple romain un spectacle dont jusque alors quelques favoris avaient seuls été témoins dans l’enceinte du palais. Au jour fixé, la flatterie, la crainte, la curiosité, attirèrent à l’amphithéâtre une multitude innombrable. D’abord on admira l’adresse merveilleuse du prince : qu’il visât au cœur ou à la tête de l’animal, le coup était également sûr et mortel. Armé de flèches dont la pointe se terminait en forme de croissant, Commode arrêtait souvent la course rapide de l’autruche, et coupait en deux le long cou de cet oiseau[1]. Une panthère venait d’être lâchée ; déjà elle se jetait sur un criminel tremblant, aussitôt le trait vole, la bête tombe, et l’homme échappe à la mort. Cent lions remplissent à la fois l’amphithéâtre ; cent dards, partis de la main assurée de Commode, les percent à mesure qu’ils parcourent l’arène. Ni la masse énorme de l’éléphant, ni la peau impénétrable du rhinocéros, ne peuvent garantir ces animaux du coup fatal. L’Inde et l’Éthiopie avaient fourni leurs animaux les plus rares ; et, de tous ceux qui parurent dans l’amphithéâtre, plusieurs n’étaient connus que par les ouvrages des peintres et les descriptions des poètes[2]. Dans tous ces jeux, on prenait toutes les

  1. Le cou de l’autruche est long de trois pieds, et composé de dix-sept vertèbres. Voy. Buffon, Hist. nat.
  2. Commode tua une giraffe (Dion, l. LXXII, p. 1211). Cet animal singulier, le plus grand, le plus doux et le moins utile des grands quadrupèdes, ne se trouve que dans l’intérieur de l’Afrique. On n’en avait point encore vu en