Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.
240
HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

dès ses premières années, montra de l’aversion pour toute occupation libérale ou raisonnable ; il ne se plaisait que dans les amusemens de la populace ; les jeux du cirque et de l’amphithéâtre, les combats de gladiateurs et la chasse des bêtes sauvages. Marc-Aurèle avait placé auprès de son fils les maîtres les plus habiles dans toutes les parties des sciences. Leurs leçons inspiraient le dégoût, et étaient à peine écoutées, tandis que les Maures et les Parthes, qui enseignaient au jeune prince à lancer le javelot et à tirer de l’arc, trouvaient un élève appliqué, et qui bientôt égala ses plus habiles instituteurs dans la justesse du coup d’œil et dans la dextérité de la main.

Chasse des bêtes sauvages.

De vils courtisans, dont la fortune tenait aux vices de leur maître, applaudissaient à ces talens si peu dignes d’un souverain. La voix perfide de la flatterie ne cessait de le comparer aux plus grands hommes de l’antiquité. C’était, disait-on, par des exploits de cette nature, c’était par la défaite du lion de Némée, et par la mort du sanglier d’Érimanthe, que l’Hercule des Grecs avait mérité d’être mis au rang des dieux, et s’était acquis sur la terre une réputation immortelle. On oubliait seulement d’observer que dans l’enfance des sociétés, lorsque les plus féroces animaux disputent souvent à l’homme la possession d’un pays inculte, une guerre terminée heureusement contre ces cruels ennemis, est l’entreprise la plus digne d’un héros, et la plus utile au genre humain. Lorsque l’Empire romain se fut élevé sur les débris de tant d’états déjà civilisés, depuis