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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

embrassèrent le parti du peuple. Le tumulte devint une action régulière, et fit craindre un massacre général. Enfin les prétoriens, forcés de céder au nombre, lâchèrent pied ; et les flots de la populace en fureur vinrent de nouveau se briser, avec une violence redoublée, contre les portes du palais. Commode, plongé dans la débauche, ignorait seul les périls qui le menaçaient. C’était s’exposer à la mort que de lui annoncer de fâcheuses nouvelles. Ce prince aurait été victime de son indolente sécurité, sans le courage de deux femmes de sa cour. Fadilla, sa sœur aînée, et Marcia, la plus chérie de ses concubines, se hasardèrent à paraître en sa présence. Les cheveux épars, et baignées de larmes, elle se jetèrent à ses pieds, et, animées par cette éloquence forte qu’inspire le danger, elles peignirent vivement la fureur du peuple, les crimes du ministre, et l’orage prêt à l’écraser sous les ruines de son palais. L’empereur, effrayé, sort tout à coup de l’ivresse du plaisir, et fait exposer la tête du ministre aux regards avides de la multitude. Ce spectacle si désiré apaisa le tumulte. Le fils de Marc-Aurèle pouvait encore regagner le cœur et la confiance de ses sujets[1].

Plaisirs dissolus de Commode.

Mais tout sentiment de vertu et d’humanité était éteint dans l’âme de Commode. Laissant flotter les rênes de l’empire entre les mains d’indignes favoris,

  1. Dion, l. LXXII, p. 1215 ; Hérodien, l. I, p. 32 ; Hist. Aug., p. 48.