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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. IV.

fureurs. Tandis que, renfermé dans son palais, Commode se plongeait dans le sang et dans la débauche, l’administration de l’empire était entre les mains de Perennis, ministre vil et ambitieux, qui avait assassiné son prédécesseur pour en occuper la place, mais qui possédait de grands talens et beaucoup de fermeté. Il avait amassé une fortune immense par ses exactions, et en s’emparant des biens des nobles sacrifiés à son avarice. Les cohortes prétoriennes lui obéissaient comme à leur chef. Son fils, déjà connu dans la carrière des armes, commandait les légions d’Illyrie. Perennis aspirait au trône ; ou, ce qui paraissait également criminel aux yeux de Commode, il pouvait y aspirer, s’il n’eût été prévenu, surpris et mis à mort. La chute d’un ministre est un événement de peu d’importance dans l’histoire générale de l’empire ; [A. D. 186.]mais la ruine de Perennis fut accélérée par une circonstance extraordinaire, qui fit voir combien la discipline était déjà relâchée. Les légions de Bretagne, mécontentes du gouvernement de ce ministre, formèrent une ambassade de quinze cents hommes choisis, et les envoyèrent à Rome, avec ordre d’exposer leurs plaintes à l’empereur. Ces députés militaires, en fomentant les divisions des prétoriens, en exagérant la force des troupes britanniques, et en alarmant le timide Commode, exigèrent et obtinrent, par la fermeté de leur conduite, la mort de Perennis[1]. L’audace d’une armée si éloi-

  1. Dion, l. LXXII, p. 1210 ; Hérodien, l. I, p. 22 ; Hist.