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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. IV.

qu’il conservait pour les vieux conseillers de son père, insensiblement l’été s’écoula ; il ne fit son entrée dans Rome que l’automne suivant. Ses grâces naturelles[1], son air populaire, et les vertus qu’on lui supposait, lui attirèrent la bienveillance publique. La paix honorable qu’il venait d’accorder aux Barbares inspirait une joie universelle[2] : on attribuait à l’amour de la patrie l’impatience qu’il avait montrée de revoir Rome, et à peine condamnait-on dans un jeune prince de dix-neuf ans les amusemens dissolus auxquels il se livrait.

Marc-Aurèle avait laissé auprès de son fils des conseillers dont la sagesse et l’intégrité inspiraient à Commode une estime mêlée d’éloignement. Pendant les trois premières années de son règne, ils conservèrent les formes, l’esprit même de l’ancienne administration. Entouré des compagnons de ses débauches, le jeune empereur se livrait aux plaisirs avec toute la liberté que donne la puissance souveraine ; mais ses mains n’étaient point encore teintes de sang ; il avait même déployé une générosité de sentiment qui pouvait, en se développant, devenir une vertu solide[3] : un incident fatal détermina ce caractère incertain.

  1. Hérodien, l. I, p. 16.
  2. Cette joie universelle est bien décrite par M. Wotton, d’après les médailles et les historiens. Histoire de Rome, p. 192, 193.
  3. Manilius, secrétaire particulier d’Avidius-Cassius, fut découvert, après avoir été caché plusieurs années. L’em-