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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

tile. Les insinuations d’un favori débauché faisaient oublier en un moment au jeune César les leçons peu séduisantes d’un philosophe. Marc-Aurèle perdit lui-même le fruit de tous ses soins, en partageant la dignité impériale avec son fils, âgé de treize ou quatorze ans. Ce père trop indulgent mourut quatre ans après ; mais il vécut assez pour se repentir d’une démarche inconsidérée, qui affranchissait un jeune prince si impétueux du joug de la raison et de l’autorité.

Avénement de l’empereur Commode.

Les lois nécessaires, mais inégales, de la propriété ont été établies pour mettre des bornes à la cupidité du genre humain ; mais en donnant à quelques personnes ce que le grand nombre recherche avec le plus d’ardeur, elles sont devenues la source de la plupart des crimes qui troublent l’intérieur de la société. La soif du pouvoir est, de toutes nos passions, la plus impérieuse et la plus insociable, puisqu’elle amène l’orgueil d’un seul à exiger la soumission de tous. Dans le tumulte des discordes civiles, les lois de la société perdent toute leur force, et rarement celles de l’humanité en prennent la place : l’animosité des partis, l’orgueil de la victoire, le désespoir du succès, le souvenir des injures reçues, et la crainte de nouveaux dangers, enflamment l’esprit, et contribuent à étouffer le cri de la pitié : de là ces scènes cruelles qui ensanglantent les pages de l’histoire. Ce n’est pas à des motifs de ce genre qu’on peut attribuer les cruautés gratuites de Commode, qui, jouissant de tout, n’avait rien à désirer.