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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

l’éducation, d’une étude profonde et d’un travail infatigable. À l’âge de douze ans, il embrassa le système rigide des stoïciens, dont les préceptes lui apprirent à soumettre son corps à son esprit, à faire usage de sa raison pour enchaîner ses passions, à considérer la vertu comme le bien suprême, le vice comme le seul mal, et tous les objets extérieurs comme des choses indifférentes[1]. Les Méditations de Marc-Aurèle, ouvrage composé dans le tumulte des camps, sont venues jusqu’à nous. Il a même daigné quelquefois donner des leçons de philosophie avec plus de publicité peut-être qu’il ne convenait à la modestie d’un sage et à la dignité d’un empereur[2] ; mais en général sa vie est le commentaire le plus noble qui ait jamais été fait des principes de Zénon. Sévère

    6, 34). Cet injuste soupçon nous fait voir combien les talens personnels l’emportent, aux yeux des hommes, sur les vertus sociales. Marc-Aurèle lui-même est qualifié d’hypocrite ; mais le sceptique le plus outré ne dira jamais que César fut peut-être un poltron, ou Cicéron un imbécille. L’esprit et la valeur se manifestent d’une manière bien plus incontestable que l’humanité et l’amour de la justice.

  1. Tacite a peint en peu de mots les principes de l’école du Portique : Doctores sapientiæ secutus est, qui sola bona quæ honesta, mala tantùm quæ turpia ; potentiam, nobilitatem, cæteraque extrà animum, neque bonis, neque malis adnumerant. Hist. IV, 5.
  2. Avant sa seconde expédition contre les Germains, il donna, pendant trois jours, des leçons de philosophie au peuple romain. Il en avait déjà fait autant dans les villes de Grèce et d’Asie, Histoire Auguste, in Cassio, c. 3.