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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. III.

conquêtes, et à une juste idée de la discipline militaire. Le dictateur ou le consul pouvait exiger de tout jeune Romain qu’il portât les armes. Ceux qui, par lâcheté ou par opiniâtreté, refusaient d’obéir, s’exposaient aux châtimens les plus sévères et les plus ignominieux. Le coupable était retranché de la liste des citoyens, ses biens confisqués, sa personne vendue pour l’esclavage[1]. Les droits les plus sacrés de la liberté, confirmés par la loi Porcia et la loi Sempronia, étaient absolument suspendus par l’engagement militaire. Le général avait droit de vie et de mort dans son camp : son autorité n’était soumise à aucune forme légale ; il jugeait en dernier ressort, et l’exécution suivait de près la sentence[2]. L’autorité législative désignait l’ennemi que la république avait à combattre. Dans les occasions les plus importantes, le sénat décidait de la guerre et de la paix, et ses résolutions devaient être solennellement ratifiées par le peuple ; mais dans les régions situées à une grande distance de l’Italie, les généraux n’attendaient pas d’ordre supérieur pour déclarer la guerre à une nation ; ils agissaient de la manière qui leur paraissait la plus avantageuse au bien public.

Ce n’était point sur la justice de leurs entreprises

  1. Tite-Live, Epit., l. XIV ; Valère-Maxime, VI, 3.
  2. Voyez dans le huitième livre de Tite-Live la conduite de Manlius-Torquatus et de Papirius-Cursor : ils violèrent les lois de la nature et de l’humanité, mais ils assurèrent celles de la discipline militaire ; et le peuple, qui abhorrait l’action, fut obligé de respecter le principe.