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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. III.

à son inclination, il rendait solennellement au sénat et au peuple leurs anciens droits. Son seul désir était de se mêler dans la foule de ses concitoyens, et de partager avec eux le bonheur qu’il avait obtenu à sa patrie[1]. »

On l’engage à le reprendre sous le titre d’empereur et de général.

Si Tacite avait été présent à cette séance, il n’eût appartenu qu’à ce grand écrivain d’exprimer l’agitation du sénat. Sa plume seule aurait pu décrire les sentimens cachés des uns, et le zèle affecté des autres. Il était dangereux d’ajouter foi aux paroles d’Auguste ; paraître douter de sa sincérité aurait pu devenir encore plus funeste. Les avantages respectifs de la monarchie et du gouvernement républicain ont souvent été balancés par des écrivains spéculatifs. En cette circonstance, la grandeur de Rome, la corruption des mœurs, la licence des soldats, ajoutaient beaucoup de force aux raisons qui pouvaient faire pencher du côté de la monarchie ; à ces principes généraux de gouvernement se trouvaient mêlées les espérances et les craintes de chaque particulier. Au milieu de cette incertitude, la réponse des sénateurs fut unanime et décisive : ils refusèrent d’accepter la résignation d’Auguste ; ils le conjurèrent de ne pas abandonner la république qu’il avait sauvée. Après une feinte résistance, l’habile tyran se soumit aux ordres du sénat. Il consentit à recevoir

  1. Dion Cassius, l. LIII, p. 698, met à cette occasion dans la bouche d’Auguste un discours prolixe et enflé. J’ai emprunté de Tacite et de Suétone les expressions qui pouvaient convenir à ce prince.