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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. II.

les vrais principes de la loi sociale, les lois, l’agriculture, les sciences, enseignées d’abord dans la Grèce par les sages Athéniens, ont pénétré dans toute la terre avec la puissance de Rome, dont l’heureuse influence sait enchaîner, par les liens d’une langue commune et d’un même gouvernement, les Barbares les plus féroces. Ils affirment que le genre humain, éclairé par les arts, leur est redevable de son bonheur et d’un accroissement visible : ils célèbrent la beauté majestueuse des villes et l’aspect riant de la campagne, ornée et cultivée comme un jardin immense : ils chantent ces jours de fêtes, où tant de nations oublient leurs anciennes animosités au milieu des douceurs de la paix, et ne sont plus exposées à aucun danger[1]. » Quelque doute que puisse faire naître le ton de rhéteur et l’air de déclamation que l’on aperçoit dans ce passage, ces descriptions sont entièrement conformes à la vérité historique.

Décadence du courage.

Il était presque impossible que l’œil des contemporains découvrit dans la félicité publique des semences cachées de décadence et de destruction. Une longue paix, un gouvernement uniforme, introduisirent un poison lent et secret dans toutes les parties de l’empire ; toutes les âmes se trouvèrent insensiblement réduites à un même niveau, le feu du génie disparut ; l’on vit même s’évanouir l’esprit militaire.

  1. Parmi plusieurs autres passages, voy. Pline, Hist. nat., XII, 5 ; Aristides, De urbe Româ, et Tertull., De animâ, c. 30.