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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

Nombre des esclaves.

On avait proposé de donner aux esclaves un habit particulier qui les distinguât ; mais on s’aperçut combien il était dangereux de leur faire connaître leur propre nombre[1]. Sans interpréter à la rigueur les mots de légions et de myriades[2], nous pouvons avancer que la proportion des esclaves regardés comme propriété, était bien plus considérable que celle des domestiques, qu’on ne doit regarder que comme une dépense[3]. On cultivait l’esprit des jeunes esclaves qui montraient de la disposition pour les sciences ; leur prix était réglé sur leurs talens et sur leur habileté[4]. Presque tous les arts libéraux[5] et mécaniques étaient exercés dans la maison des sénateurs opulens. Les bras employés aux objets de

  1. Sénèque, De la Clémence, l. I, c. 24 L’original est beaucoup plus fort : Quantum periculum immineret, si servi nostri numerare nos cœpissent.
  2. Voy. Pline, Hist. nat. l. XXXIII ; et Athénée, Deipnos. l. VI, p. 272 ; celui-ci avance hardiment qu’il a connu plusieurs (Πάμϖολλοι) Romains qui possédaient, non pour l’usage, mais pour l’ostentation, dix et même vingt mille esclaves.
  3. Dans Paris, on ne compte pas plus de quarante-trois mille sept cent domestiques de toute espèce ; ce qui ne fait pas un douzième des habitans de cette ville. (Messance, Recherches sur la population, p. 186.)
  4. Un esclave instruit se vendait plusieurs centaines de liv. sterl. Atticus en avait toujours qu’il élevait, et auxquels il donnait lui-même des leçons. (Cornel. Nep., Vie d’Atticus, c. 13.)
  5. La plupart des médecins romains étaient esclaves. Voyez la dissertation et la défense du docteur Middleton.