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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

et dans la Pannonie[1] : il est vrai qu’elle y perdit de sa pureté. Les paysans seuls conservèrent dans leurs montagnes de faibles vestiges des idiomes celtique et punique[2]. L’étude et l’éducation répandirent insensiblement les opinions romaines parmi les habitans de ces contrées, et les provinces reçurent de l’Italie leurs coutumes aussi-bien que leurs lois. Elles sollicitèrent avec plus d’ardeur, et obtinrent avec plus de facilité le titre et les honneurs de la cité ; elles soutinrent la dignité de la république dans les armes aussi-bien que dans les lettres[3] ; enfin, elles produisirent dans la personne de Trajan un empereur que les Scipions n’auraient pas désavoué pour leur compatriote. La situation des Grecs était bien différente de celle des Barbares. Il s’était écoulé plusieurs siècles depuis que ce peuple célèbre

  1. Apulée et saint Augustin répondront pour l’Afrique ; Strabon, pour l’Espagne et la Gaule ; Tacite, dans la Vie d’Agricola, pour la Bretagne ; et Velleius-Paterculus, pour la Pannonie. À tous ces témoignages nous pouvons ajouter celui que nous fournit le langage employé dans les inscriptions.
  2. Le celtique fut conservé dans les montagnes du pays de Galles, de Cornouailles et de l’Armorique. Apulée reproche à un jeune Africain qui vivait avec la populace, de se servir de la langue punique tandis qu’il avait presque oublié le grec, et qu’il ne pouvait ou ne voulait pas parler latin (Apolog., p. 596). Saint Augustin ne s’exprima que très-rarement en punique dans ses Congrégations.
  3. L’Espagne seule produisit Columelle, les deux Sénèque, Lucain, Martial et Quintilien.