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PRÉFACE DE L’ÉDITEUR.

sité qui attache les hommes aux actions des hommes, et que, pour devenir véritablement utile et sérieuse, elle doit envisager la société, dont elle retrace l’image, sous les divers points de vue d’où cette société peut être considérée par l’homme d’état, le guerrier, le magistrat, le financier, le philosophe, tous ceux enfin que leur position ou leurs lumières rendent capables d’en connaître les différens ressorts. Cette idée, non moins juste que grande, a présidé, si je ne me trompe, à la composition de l’Histoire de la Décadence et de la Chute de l’Empire romain : ce n’est point un simple récit des événemens qui ont agité le monde romain depuis l’élévation d’Auguste jusqu’à la prise de Constantinople par les Turcs ; l’auteur a constamment associé à ce récit le tableau de l’état des finances, des opinions, des mœurs, du système militaire, de ces causes de prospérité ou de misère, intérieures et cachées, qui fondent en silence ou minent sourdement l’existence et le bien-être de la société. Fidèle à cette loi reconnue, mais négligée, qui ordonne de prendre toujours les faits pour base des réflexions les plus générales, et d’en suivre pas à pas la marche lente, mais nécessaire, Gibbon a composé ainsi un ouvrage remarquable par l’étendue des vues, quoiqu’on y rencontre rarement une grande élévation d’idées, et plein de résultats intéressans et positifs, en dépit même du scepticisme de l’auteur.

Le succès de cet ouvrage dans un siècle qui avait produit Montesquieu, et qui possédait encore, lors