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Mais, plus, autour de ces sons, se grouperont : pour les Harpes, les t et d stériles, et l’aspirée h, et les g durs et mats ; pour les Violons, les s et les z loin aiguisés, et les ll mouillées et dolentes et les v priants ; pour les Cuivres, les âpres r ; pour les Flûtes, les graciles l simples, et les enfantins j, et l’f soupirante ; pour les Orgues, les m et n prolongeant un mouvement muable lourdement : plus s’entendra par le matin poétique l’aubade de mon désir !


Quoique, au risque de ma joie tuée, une voix m’interrompe : amie vraiment et qui tantôt sans doute, si je m’affaisse en deuil, se trempera de larmes, puisque de mon intime vouloir elle se souvient :

Que le poète, dit-elle, soit un regardeur de la vie ! il n’aura pas que paysages à noter, mais des attitudes la révélation, les gestes éternels, et le remuement vague de l’âme, arôme des sensations.

Aussi notera-t-il la vie. Car attitudes, gestes, sensations et pensées peuvent au Rythme se réduire. Lui, ce Rythme, ressort de la diffusion diaprée des timbres, en tant que ce que d’un vol puissant peut comme étreindre la main humaine, mélodieux ensemble de motifs, dans le flottant tissu musical !

Tout rythme confine dès lors à d’éparses couleurs sonores qu’il synthétise, et tout spectacle de corps vivants n’est qu’un décor ouï.



Hélas, que se meuvent au loin de Clairs-obscurs ! mais, ainsi que le présumait un prudent regard, à l’œuvre seule d’irradier aux angles, soleil inéluctable.

Car l’on sent qu’au seul vouloir du Prédestiné, concorderont pour le Drame lyrique toutes les inattendues vibrations des Timbres inénarrables. En quelque phrase un Violon seulement ne sera pas ouï, mais grandissent les Violons et Violes ; et par le subtil mariage des nobles voyelles, en la phrase alterneront vraiment, se mêleront aussi sans se léser les frais soupirs encore des Bois, et le vent de magnifi-